Le Salon d’Automne 1929 - Norbert Goeneutte.
Les Rétrospectives.
C’est d’une jolie période de l’histoire de la peinture française que date Norbert Goeneutte, dont le Salon d’Automne nous rappelle la carrière de graveur à l’eau-forte. Il était aussi un peintre d’un talent alerte et souple. Sa vie fut brève et son œuvre restreinte est dispersée, sans qu’on sache au juste où. Il est probable que la rétrospective du Salon d’Automne servira de cloche d’appel et que les Goeneutte sortiront des fonds de collection. Espérons qu’il n’en sortira pas trop mais l’authentification ne sera peut-être pas trop difficile. Certes, c’était une jolie époque de la peinture que le temps où vivait Goeneutte. Il y avait une atmosphère de printemps sacré.
Les jeunes peintres s’en allaient vers la clarté et tout près d’eux inventaient la rue, la Seine et la tonnelle du dimanche ; et la midinette remplaçait la madone, et le tableau de genre devenait le tableau normal, habituel, le seul correspondant à la vérité picturale. Plus de vaines recherches, plus d’erreurs historiques. Voir la vérité, sans plus, et la rendre d’un métier devenu plus difficile, car il fallait être exigeant avec soi-même et les connaisseurs, à qui on révélait le mouvement moderne et la vie de la lumière, devenaient plus clairvoyants.
A la suite des grands peintres de l’aube impressionniste, les Manet, les Monet, les Renoir, les Pissarro, les Degas, les Raffaelli, toute une jeunesse s’éveillait. Ceux qui se refusaient à admettre ce que ce programme esthétique contenait du naturalisme, comme Albert Besnard, n’en recherchaient pas moins les colorations nouvelles. Bastien Lepage offrait une transaction entre la composition et l’impressionnisme. Des jeunes prix de Borne, tel Duez, s’y ralliaient. Certains allaient plus franchement. Goeneutte restait classique, mais avec une attention particulière au rythme libre de la démarche, à une certaine volupté du costume et de l’allure, très soigneux de métier, en même temps très Parisien. Il semble bien que le peintre qui ait eu de l’influence sur lui, c’est Renoir, encore qu’il ait regardé Stevens et de Nittis. Il hantait le Montmartre d’avant le Chat-Noir, d’avant les caravanes de bourgeois pour aller voir des artistes, un Montmartre simple où vivaient les uns près des autres écrivains et peintres, et le quartier était plein de jolies filles, d’abondante marmaille. La rue et le square faisaient tableau à tout coup et qui se composait bien. Goeneutte y trouva l’occasion de nombreux portraits aussi il peignit l’anecdote, comme alors Jean Béraud, mais plus qu’anecdotique pittoresque, il est un peintre de la femme dont on sent qu’il aime tout, visage, mouvement, toilette. Cette série d’eaux-fortes en est une preuve. Elle certifie aussi un art très aimable, et le goût de l’artiste pour l’atour féminin en fait une série d’évocations de la mode de 1870 à 1880, très aimable, qui rappelle et des formes et des coquetteries agréables et des hardiesses, tel ce chapeau cloche de la chanteuse à la guitare, ce chapeau cloche que ces temps-ci ont imité, mais en l’enfonçant éperdument sur les oreilles, tandis qu’alors il lançait vers les cieux, de toute sa hauteur, un petit bouquet.
Extrait de : MERCVRE DE France – N°755 du 1 Décembre 1929.